Les Mondes de P-Val: avril 2012

lundi 30 avril 2012

La bonne idée d’un DG "vrillée" par le Monde de son entreprise


Cette histoire m’a été décrite et analysée par le DG d’un de mes clients.
Son métier est de gérer des projets d’aménagement pour le compte de collectivités locales (zones d’activités, réaménagements urbains…).
Le Monde de cette entreprise est un pur Monde du projet, dans toute sa rationalité : des chargés d’opérations, des plannings, des tâches, des réunions de chantier, et la grandeur de délivrer l’opération.
Les clients ne sont clairement pas au centre de ce Monde, ils ne sont que le déclencheur des projets. 

Ce qui devait arriver arriva, ces clients se sont plaints d’un défaut de communication sur leurs projets.

Le DG avait identifié ce point de progrès et avait trouvé une solution, un tableau de bord créé pour chaque opération et mis à disposition du client.
Jusque là, il a tout bon. L’intérêt de l’histoire commence à la mise en œuvre de l’idée.

Son équipe a bien créé le tableau de bord, mais sous la forme d’un extranet ouvert à chaque client sur la base d’un identifiant et d’un mot de passe.
Que s’est-il passé ? Très peu de clients sont allés le consulter et ils ont continué à se plaindre sur le fait que la communication de leur fournisseur était mauvaise.
Réaction des chargés d’opération « les reproches des clients ne sont pas justifiés, l’information existe … et par ailleurs, tout va bien sur nos chantiers ».

Débrief Monde :
Une bonne idée qui n’a tenu compte ni du Monde du client ni de celui des chargés d’opérations :

1/Pourquoi les clients se sont plaints ?
Parce que les clients de cette entreprise sont des élus de collectivités territoriales. Dans leur Monde, la relation personnelle est essentielle. Ils attendent des réunions, des coups de fil, pas des tableaux de bord.

2/Pourquoi les chargés d’opération ont-ils dit « les reproches des clients ne sont pas justifiés, l’information existe » ?
Parce que leur Monde est celui du projet, rationnel, piloté, mesuré. Ils ont du mal à comprendre qu’un élu ne fonctionne pas de la même façon qu’eux.

3/Est-ce que l’idée du tableau de bord était bonne ?
Pas sûr. L’élu n’attend pas un tableau de bord, il attend d’être écouté, compris et veut en particulier que les relations entre le chantier et ses administrés soient sous contrôle.
Une bonne piste de travail pour cette entreprise serait sans doute d’axer le tableau de bord sur la relation du chantier avec les électeurs de l’élu … et de le présenter de vive voix avec lui plutôt que de lui donne un identifiant et un mot de passe.

4/Comment éviter ce type d'erreur ?
En formalisant le monde de votre entreprise et celui de vos clients ... puis en confrontant vos stratégies ou vos plans d'actions à l'aune de ces Mondes.
Simple.

Bruno Jourdan 

jeudi 26 avril 2012

Pourquoi celui qui va gagner la présidentielle ne propose aucun projet aux électeurs … et qu’il a raison?

Le deuxième tour arrive, et j’entends beaucoup de commentateurs et d’électeurs se plaindre de la pauvreté des idées et des programmes proposés par François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Ils ont tort de se plaindre, les candidats ont raison de ne rien proposer.
En France, un candidat ne gagne pas son élection sur la proposition d’un programme (dont tout le monde doute qu’il soit réaliste et/ou appliqué) mais sur sa capacité à décrypter le Monde des électeurs et être capable de le reformuler de manière à ce que le plus grand nombre se dise « oui, celui là a bien compris mon problème ou mon envie » ; (l'exemple type est la fracture sociale de Chirac en 1995)

Dans cette perspective, le slogan de François Hollande Le changement, c'est maintenant est plutôt bien trouvé. Il est une formulation du Monde des électeurs tel qu’il l’a compris : vous voulez le changement et je suis celui qui incarne ce changement – par construction. Si son analyse Monde est bonne, il va gagner … sans avoir besoin de proposer de programme ou d’idées.

Donc, peu d’électeurs voteront pour ou contre le recrutement de quelques milliers d’enseignants ou sur la réforme du permis de conduire et peu importe que ces idées ne traitent pas les enjeux du pays.
C’est après l’élection que ces enjeux devront être traités … et nous visualisons tous que leur traitement nécessiterait un changement de Monde. Le nouvel élu voudra-t-il et saura-t-il réussir ce changement ?    

Bruno Jourdan

Pour ceux qui veulent un peu creuser ces idées, lisez ces deux posts :

PS (façon de parler) : je vous laisse faire vous-même l'analyse Monde du positionnement de Nicolas Sarkozy (La France forte)

vendredi 6 avril 2012

campagne présidentielle : allez-vous voter pour un leader créateur de Monde ?


Le temps de l'élection présidentielle est une bonne occasion pour repenser aux qualités que nous demandons au futur "leader" de la France pour les 5 ans à venir
La démarche Monde s'articule autour d'un concept fort sur le leadership.

"est LEADER celui qui crée un Monde auquel les autres veulent appartenir"

Dans notre livre de référence nous déclinons cette idée sur les hommes politiques (chapitre 15)

Loin d'apporter un commentaire café-du-commerce sur le Monde personnel de tel ou tel candidat, nous préférons analyser la mécanique du leader créateur de Monde



  1. Décrypter le Monde des électeurs et être capable de le reformuler de manière à ce que le plus grand nombre se dise "oui, celui là a bien compris mon problème"
  2. Concevoir un Monde voulu, fédérateur, et surtout l'incarner personnellement plutôt que le désigner sans jamais l'habiter
  3. Identifier, organiser, négocier les passerelles pour que le plus grand nombre atteignent le Monde voulu

Mon analyse personnelle est qu'une élection se joue sur le point 1, et uniquement sur celui là
  • Mitterrand en 1988 : " Ni Ni" qui annonçait clairement qu'il ne ferait rien et que donc il n'était un risque pour personne face aux foucades d'un Chirac programmatique
  • Chirac en 1995 : "la Fracture sociale"  qui permettait à chacun de penser qu'il était du "bon coté de la fracture" et qui avait aussi compris que les programmes n'engagent que ceux qui les écoutent
  • Sarkozy en 2007 : " La sécurité" mais qui n'est pas parvenu à donner envie au plus grand nombre de rejoindre son Monde voulu "travailler plus pour gagner plus" entre bling bling et crise mondiale
  • xxxx en 2012 :  " yyyyy "     j'ai bien mon idée ... mais je répugne à vous influencer
Le point 2 est un piège à double détente
  • Il semble que la France a toujours une représentation "sacralisée" de son président et qu'elle ne souhaite pas être trop proche de lui. Finalement nous préférons que chacun reste dans son Monde !
  • Le programme politique rentre aussi dans la description du monde voulu. Là encore les Français de tous bords sont lucides. Ils ne votent qu'à 50% en fonction du programme d'un candidat. Et je doute fort qu'ils croient réellement que le programme de l'un ou l'autre sera appliqué pleinement. C'est d'ailleurs  loin d'être souhaitable ! Surtout ne faite rien de ce que vous avez promis sinon nous finirons en 12 mois comme la Grèce ....
Le point 3 est celui qui fait sans doute la réélection ou pas.
  • Entre "ne rien faire" et "trop faire dans le désordre", je pense que l'équilibre est encore devant nous : nous pouvons rêver ?
  • et je ne parle même pas du point 4 de mesure et d'ancrage des résultats
Pour aller plus loin et tester vos idées avec vos amis voici un message à revisiter quelques mois après son écriture, inspiré par le livre de Bruno Lemaire sur son expérience de dir cab :
Nicolas Sarkozy et Bruno Lemaire

Laurent Dugas

Décider du lancement d'un grand projet : à quel Monde se vouer ?

Une illustration de la difficulté à prendre une décision en ligne avec son Monde interne et avec le Monde de son environnement

Voici la problématique du Directeur Financier d'un groupe industriel international

Son système d'information  n'est pas homogène à travers toutes ses filiales. Pour faire face aux nouvelles réglementations de toutes sortes et assurer un suivi plus précis des investissements il a besoin de manipuler beaucoup plus de données. Il lance donc l'analyse d'un entrepôt de données au niveau Groupe, ce que le marketing actuel appellerai "big data"

Très vite ce sujet devient un point de clivage au sein de la Direction Générale.
  •  L'un des DGA veut revoir de fond en comble le SI de toutes les entités pour avoir un système en ligne pour les "20 ans à venir", avec ... un budget en centaine de millions d'euros. Au cours des discussions ce sujet devient son enjeu personnel : "testament ? pouvoir ?"
  • Un autre DGA  se positionne contre l'ampleur de ce projet. Sans l'avouer il est lui même englué dans un très grand projet SI métier dont la complexité peine à être mise sous contrôle. Il craint qu'un nouveau projet amène à questionner l'avancement du sien et à en  détourner des ressources rares. Un projet avec un entrepôt de données et des adaptations à quelques endroits stratégiques lui semble suffisant  avec un coût 10 fois inférieur
Le directeur financier est perplexe, surpris par les enjeux qu'il a déchaîné. Il m'interroge sur comment parvenir à une décision pertinente et quel éclairage l'approche Monde de P-VAL peut lui apporter ?
  • Au delà des enjeux de personne, le débat cristallise un changement de Monde au sein de la direction générale
    • Sommes-nous toujours dans un monde de grandeur "industrielle", dans lequel rien n'est assez beau pour accompagner le statut du Groupe, et où les investissements certes très importants sont raisonnables au regard des enjeux économiques et de bénéfices futurs ?
    • Ou bien sommes-nous à l'orée d'un nouveau monde plus "marchand", doté d'un pragmatisme fort pour faire ce qui est juste nécessaire, sous contraintes de moyens et avec un horizon moyen terme "d'ailleurs qui peut dire ce que sera le groupe dans 5 ans ?"
    • Les critères de décision des acteurs ne sont plus alignés : ce grand projet SI n'est qu'un prétexte à l'ajustement des représentations qui feront le Monde de demain de cette entreprise
  • Le Directeur Financier hoche la tête pensivement sur cette analyse et lâche : "Je suis moi même sur le point  de lancer un train de mesures prises dans le deuxième monde cité : revue des stratégies de sourcing, réduction des effectifs, ...."
  • Effectivement dans ce contexte, validé par une rapide enquête auprès de collaborateurs, le premier choix serait une faute grave, compris comme telle par toute l'entreprise : une décision ancien Monde, décribilisant les efforts nouveau Monde
Le choix "rationnel Monde " est devenu évident pour notre Directeur Financier. Il lui reste à trouver une issue politique aux différents acteurs. Il va lui falloir communiquer finement dans le monde personnel de chaque DGA ...
PS  : cette histoire n'est pas spécifique à telle ou telle entreprise, elle illustre beaucoup de prise (ou non prise) de décisions

Laurent Dugas