Les Mondes de P-Val: novembre 2010

mardi 30 novembre 2010

le Monde de José Mourinho

La presse anglaise a surnommée José Mourinho, l'entraîneur de football des clubs Porto, Chelsea, Inter de Milan et Real de Madrid : "the fabulous one"

Ce titre met en évidence des éléments du Monde de Mourinho que nous allons chercher à préciser
  • fabulous : pour ses résultats exceptionnels partout où il est passé
  • one : car sa personnalité, son style, bref son Monde semble vraiment unique, non copiable, aux observateurs

Quelles sont alors les caractéristiques du Monde de Mourinho ? Ou se situe, comment se fabrique la grandeur de son Monde ?

D'abord un principe supérieur "Gagner, gagner, encore gagner". Il ne vise pas la victoire ponctuelle dont beaucoup se rassasieraient dans cet univers très compétitif du football mondial. Il faudrait bien partager les victoires ? Pour lui non. Il doit gagner partout où il passe.
Pour gagner sans cesse il met en avant l'expérience. Ce mot reviens sans cesse dans son discours. Mais ce n'est pas une expérience "cumul" de la même chose.  C'est une expérience sans cesse revisitée . "Je rejoue chaque match contre moi même pour analyser ce que j'aurais pu faire de mieux". De même il change de championnat Angleterre, Italie, Espagne pour enrichir son expérience sans cesse : à quand la France ??

Sa reconnaissance, il la tire certes d'un salaire mirobolant, des médias, mais ce qui semble le motiver, l'émouvoir le plus c'est la joie que les victoires génèrent chez ses joueurs. "La joie de mes joueurs n'a pas de prix"

Son interaction collective se caractérise par la relation personnelle qu'il crée avec chaque jouer. Il challenge chacun de façon très personnelle, dans les médias et en face à face pour bien verrouiller le message unique qu'il passe. Ce message est sans concession, dur, mais toujours orienté vers le progrès.Il n'est jamais négatif. Il semble ainsi parvenir à tirer le meilleur de chacun.
Il met aussi l'accent sur la qualité des interactions. "Mes réunions n'excèdent jamais 10 minutes et j'en fais trois par semaine". Quels sont les managers qui pourraient en dire autant ?.
Cette qualité des interactions, comme des entraînements ( 1h30) s'appuie sur un énorme travail de fond. Chacun de ses trois réunions repose sur le travail de 7 personnes pendant une semaine ! Il dégage l'essentiel "j'organise, je structure : la qualité de l'information est ce qu'il y a de plus important"

Pour réussir dans ce Monde il y a sûrement un prix à payer me direz vous ?
Oui, il le reconnaît : ne jamais laisser place au doute, toujours se projeter vers l'échéance future, mais sans rien oublier, sans se cacher la face, sans tabou. Le doute est intériorisé, dépassé, transformé en volonté de progrès.
Les média traduisent cela par une absence de modestie : c'est une traduction "politiquement correcte" celle du faible "comme on va sûrement échouer un jour, soyons modeste au moins une fois ". Pour lui "la modestie est une qualité qui n'aide en rien"

Mourinho est-il le créateur d'un Monde auquel les autres veulent appartenir ?
Oui certainement pour ses joueurs qui deviennent souvent ses amis, signe qu'ils rentrent dans son Monde. ce Monde commun se concrétise par la qualité des efforts personnels et tactiques à réaliser pour partager la joie de la victoire.
Mais ce Monde est extrêmement exigeant, le prix à payer est réel. Les observateurs n'en retiennent trop souvent que la caricature. C'est un Monde d'élite.
Si vous voulez que votre entreprise, votre association, votre collectivité gagne et gagne à nouveau, il y a des éléments concrets à tirer du "Fabulous one".

Lequel choisissez-vous pour démarrer ?


Laurent Dugas

vendredi 26 novembre 2010

Le kilométrage comme expression de la grandeur


Petite histoire de Monde captée dans une discussion avec le DG régional d’un groupe mutualiste :
Lui - me montrant le tableau de bord de la voiture conduite par son chauffeur « vous voyez, j’ai fait 45 000 kms cette année … et savez vous qu’un de mes homologues n’en a fait que 20 000 »
Moi - ??
Lui - « mon homologue ne doit pas très bien connaître sa région, il circule trop peu ! »

Décryptage Monde : le kilométrage de sa voiture est l’expression de la grandeur pour ce DG, et de fait de toute son entreprise : « il faut connaître son territoire en profondeur pour comprendre comment les gens d’ici pensent (clients, collaborateurs, élus) »

Et vous, quelle est l’expression de votre grandeur ?

Bruno Jourdan

lundi 22 novembre 2010

Changer de stratégie c’est changer de Monde

Sécuriser ou développer un chiffre d’affaires est souvent la grande affaire du dirigeant. Face à cet objectif, il a deux difficultés potentielles.

La première difficulté du dirigeant est simplement d’avoir la capacité à imaginer une stratégie.
Facile ? Pas tant que cela, parce que le Monde auquel il appartient filtre sa capacité à concevoir une nouvelle stratégie. Autrement dit, son Monde limite les stratégies qui lui sont accessibles.

Sa deuxième difficulté est d’embarquer son entreprise dans l’exécution de la stratégie qu’il a fixée
… et sauf à n’avoir qu’une stratégie incrémentale, il est plus que probable que le Monde de l’entreprise que dirige notre stratège va avoir du mal à l’exécuter. Pourquoi ? Parce que la capacité d’exécution ne se décrète pas, elle est la résultante d’un Monde, souvent orthogonal de la nouvelle stratégie - et pour mémoire, marteler aux troupes la présentation de la nouvelle stratégie ne sert à rien.

Deux exemples opérationnels pour illustrer ces deux difficultés

Les cirques traditionnels s’effondrent - illustration de la première difficulté
Pour quelles raisons ? Largement parce que leurs patrons-propriétaires sont structurellement incapables de comprendre les nouvelles attentes de leurs spectateurs potentiels. Leur grandeur est de pérenniser ce que leurs arrières-arrières-grands-parents avaient créé. Leurs spectateurs, quand à eux, trouvent totalement dépassés de voir quelques animaux lever les pattes devant un dompteur brandissant un fouet ou regarder des trapézistes faire des exercices de voltige moins impressionnants que ceux de Tom Cruise dans un blockbuster américain. A-contrario, les nouveaux cirques, comme le cirque Plume ont eux compris qu’ils pouvaient occuper un nouveau créneau stratégique, celui de la poésie et du rêve, et ils pulvérisent les records de fréquentation … Mais les dirigeants de ces nouveaux cirques ne viennent pas des grandes familles historiques du cirque traditionnel, et du Monde qui va avec.
Changer de stratégie, c’est changer de Monde !

La DCNS a du mal à convaincre ses cadres d’adhérer à son projet d’entreprise - illustration de la seconde difficulté
Un article des Echos du 25 octobre 2010 résume parfaitement le problème : « Près d'un an après avoir été lancé, Championship, le grand plan de développement de DCNS, peine à prendre. Ce projet, qui vise une croissance d'au moins 50 % d'ici à dix ans et un gain de 30 % de la compétitivité, est censé permettre au chantier naval militaire de faire face à une concurrence mondiale croissante … pour les cadres de DCNS « faire adhérer à Championship » ne ressort qu'au 12e rang des priorités qu'ils se fixent, très loin derrière l'organisation et le suivi du travail de leurs équipes

« La façon dont les managers perçoivent leur rôle témoigne d'une culture très opérationnelle, qui ne donne pas la priorité au résultat », convient Patrick Boissier, le PDG de DCNS . » Il résume parfaitement le nécessaire changement de Monde de son entreprise.
L’article des Échos ajoute « Quand aux 30 % de gains de compétitivité, c'est la croissance des revenus qui servira de juge de paix » … cette affirmation nous semble fausse : dans un Monde où la grandeur actuelle décrite par Patrick Boissier n’est pas le résultat, les gains de productivité n’intéresseront personne, pire, cette recherche de gain est probablement l’état de petit par excellence parce que la productivité dans le Monde actuel s’oppose à la performance opérationnelle.
Changer de stratégie, c’est changer de Monde !

Et vous, considérez-vous que changer de Monde est l’accompagnement du changement ou qu’il est LE changement ?

Bruno Jourdan

vendredi 19 novembre 2010

Etes-vous Grève ou Séminaire ?

Le mouvement social sur la réforme des retraites est juste derrière nous. Avant de le ranger dans notre inconscient collectif, réfléchissons ensemble sur le phénomène d'attractivité de la grève.

Le Monde de la Grève existe-t-il ?

Sans doute, sinon comment expliquer que des personnes fassent le choix de se rassembler en grand nombre et de "payer" pour réaliser cette activité - ce travail- ?
En effet le gréviste arbitre un revenu journalier que lui verse son employeur contre un non revenu- la journée de grève - Il paye donc un prix sonnant et trébuchant
La grève serait alors un travail parfois plus prenant, fatiguant ou pénible que le travail salarié. Il faut défiler, crier dans un mégaphone, brûler des pneus et respirer des vapeurs toxiques, organiser des AG, ....

Quel serait alors ce Monde de la Grève ?

Il rassemble de nombreuses personnes qui se fédèrent sur des repères communs :  une finalité civico-domestique qui associe grands principes et avantages acquis, un mécanisme de reconnaissance médiatique : il faut être vu et pouvoir annoncer un nombre de grévistes qui parle à l'opinion, peu importe qu'il soit "industriellement" vrai.
Mais le moteur clé de ce Monde de la grève semble résider dans l'interaction collective. En effet dans des activités peu collectives, routinières, sans temps forts avec décharge d'adrénaline, l'activité Grève apporte justement tout cela : le rassemblement, l'excitation, la lutte contre un ennemi, les échanges de paroles, ....
  • Un Directeur de la SNCF me faisait remarquer que pour certains cheminots "traction" la grève était le meilleur moyen pour eux de se connaître entre eux, de faire échanger un conducteur d'Alsace avec un autre du Béarn.
  • Pour les étudiants qui franchissement allégrement 30 ans de l'école à la retraite sans passer par la case Travail, on peut comprendre que la manifestation est plus amusante qu'un cours soporifique dans une salle encombrée et que l'on peut plus prendre la parole lors d'une AG que sur un sujet de mathématique financière

Quelle alternative proposer à l'attractivité du Monde de la Grève ?

D'abord comprendre que Le Monde de la grève est d'abord un Monde de l'Opinion : la grève existe par son miroir médiatique : ma grève est "grande" si elle est vue !.Il faut donc proposer des éléments de visibilité à vos collaborateurs 
Ensuite l'attractivité de la Grève réside dans l'interaction collective qu'elle propose et qui comble un vide. Il faut donc proposer des temps forts collectifs à vos équipes

De manière humoristique, je disait au DRH d'un grand groupe para public :
- " Organisez des séminaires pour vos équipes, elles ne feront plus grève"
Avec autant d'humour et une pointe de cynisme, il m'a répondu
" Oui vous avez tout à fait raison, mais je devrais m'occuper de l'organisation et en plus les payer"


Laurent Dugas

mardi 16 novembre 2010

Histoire cycliste

Un rappel préalable pour le lecteur débutant : le Monde auquel chacun appartient lui donne la grille de lecture des événements qu’il est amené à analyser. Autrement dit, si les faits sont objectifs, l’analyse qui en est faite ne peut pas être objective puisqu’elle est d’abord le reflet du Monde de son auteur.

Illustration :
Le fait : lors de la 15e étape du dernier Tour de France, Andy Schleck et Alberto Contador, les deux premiers du classement général sont au coude à coude dans la montée pyrénéenne du Port de Balès. Andy Schleck est alors victime d'un saut de chaîne et doit s’arrêter pour réparer. Alberto Contador ne l'attend pas, lui reprend 39 secondes et s'empare du maillot jaune pour 8 secondes.
Face à cet événement, un débat a enflammé le peloton : Alberto Contador aurait-il dû attendre Andy Schleck ?
1/Oui, il aurait dû attendre ! Les tenants de cette position ont eu des mots très durs « ce n’est pas correct », « colère », « je n’aurais pas aimé prendre le maillot comme cela », « je n’aurais pas profité de la situation »…
2/Non, il devait continuer ! Marc Madiot, un des grands directeurs sportifs du cyclisme, a défendu cette position : « un saut de chaîne est un incident mécanique et cela fait partie de la course. Schleck ne peut pas se plaindre, Contador n’a fait aucune faute. »

Qui a raison ?
Personne bien sûr.
Les tenants de « il aurait dû attendre » représentent un Monde du cyclisme très civico-domestique, qui a ses règles et dont un coureur n’a pas le droit de s’affranchir sous peine de devenir un paria dans le peloton. La règle est claire « pas d’attaque sur un incident mécanique de l’adversaire ».
L’analyse de Marc Madiot est celle d’un Monde beaucoup plus marchand, la compétition ne peut pas s’arrêter sur incident mécanique. Sa justification « la course ne peut pas s’arrêter au moindre problème et je ne pense pas que ce soit possible ! »
L’enseignement de cette histoire est que quand nous écoutons un commentateur relatant un événement, nous devons décrypter en quoi son analyse est largement conditionnée par son Monde.
Alors Contador devait-il attendre Schleck ? Qu’en pensez-vous ?

Bruno Jourdan