Les Mondes de P-Val: janvier 2013

mardi 29 janvier 2013

Lionel Messi est emblématique d'une excellente gestion des Talents dans un Monde de performance


Lionel Messi n’en finit plus de battre tous les records. Premier quadruple Ballon d’Or de l’Histoire, meilleur buteur en championnat espagnol plusieurs saisons de suite, meilleur buteur sur une saison toutes compétitions confondues, etc, etc. En 2012/2013, il est déjà l’auteur de près de la moitié des buts de son équipe. Son talent éblouit les fans et frappe les non-initiés.

Parallèlement, le FC Barcelone, club qui l’a formé et dans lequel il évolue depuis l’âge de 13 ans, rafle tout : championnat espagnol, coupe du Roi, Ligue des Champions, Supercoupe d’Europe, Coupe du Monde des clubs…

Réussirait-il aussi bien dans un autre club que le FC Barcelone ? NON.
Le FC Barcelone gagnerait-il tout sur la planète football sans Lionel Messi ? NON.
Pourquoi ? Lionel Messi explique lui-même : « Dans notre vestiaire, nous sommes tous pareils. Notre mode de vie et notre manière d’être sont les mêmes, au sein d’un club qui nous a façonnés ».
Ce Monde de performance durable est clair. C'est la première force du Barça. La grandeur, c’est de gagner en produisant du beau jeu. La reconnaissance vient naturellement par les trophées pour le collectif, par les récompenses de la profession et des journalistes pour les individus. Les interactions collectives sont basées sur les échanges, le ballon parcourant beaucoup plus de terrain entre les joueurs que dans les pieds de l’un d’eux. La Massia, centre de formation par lequel beaucoup sont passés, a « façonné » des joueurs qui se connaissent par cœur. Les critères de décision résonnent bien sûr avec la grandeur : qu’est-ce qui nous permet de gagner, qu’est-ce qui permet de produire du beau jeu ?
Le Monde du FC Barcelone est suffisamment solide et durable pour former des Talents qui adhèrent à ce Monde et leur permettre de s'exprimer en équipe première. Messi n’est pas une exception : plusieurs joueurs actuels ont été formés au club.
Mieux : l’entraîneur emblématique jusqu’à l’année dernière, Pep Guardiola, a été formé au club, a joué au club, puis a entraîné l’équipe B durant un an. Identifié jeune Talent immédiatement (il a fait monter l'équipe B dès sa première saison comme entraîneur), il est aussitôt nommé à la tête de l'équipe première.
La réussite du Talent Lionel Messi renforce évidemment ce Monde, puisqu’il est un exemple emblématique pour tous les jeunes actuellement à la Massia. La reconnaissance que lui apportent les trophées et les records, au-delà même du milieu du foot, est un encouragement pour tous.
Cesc Fabregas, autre jeune talent formé au FC Barcelone jusqu’à l’âge de 16 ans, a tenté de rejoindre Arsenal, souvent comparé au Barça pour le beau jeu qu’il cherche à produire. Mais voilà de longues années qu’Arsenal n’a plus rien gagné. L’actionnaire minoritaire du club anglais s’émouvait récemment : « C’est impensable […] qu’on perde des joueurs clé, des symboles comme Van Persie, Flamini ou Vieira. On aurait dû augmenter leurs salaires dès qu’ils ont commencé à être courtisés, à regarder ailleurs. Je ne sais pas pourquoi on ne le leur a pas proposé ». Absence de Monde de performance durable ? Cesc Fabregas est retourné au FC Barcelone en 2011.
L’une des grandes richesses du FC Barcelone est sa gestion des Talents : la détection, la formation, la mise en situation rapide, et la fidélisation.
En effet, l’intégration tardive de tous les Talents dans un Monde si fort n’est pas possible. Zlatan Ibrahimovic n’a pas réussi à Barcelone. Il n’y est resté qu’un an, son style de jeu ne correspondant pas à la philosophie du club. Bien que transfert le plus cher de l’histoire du Barça, il fut même poussé sur le banc des remplaçants par deux jeunes inconnus, Bojan et Pedro, issus de la Massia. Cela n’a pas empêché Zlatan d’exprimer son Talent dans un Monde de performance très différent. Je vous invite à relire ce post : http://www.lesmondesdepval.com/2012/10/pourquoi-zlatan-ibrahimovic-derange.html
A contrario, un Monde peu clair, auquel les joueurs n’adhèrent pas, peut être source d’échec, y compris pour de grands Talents : c'est ce que nous disions déjà ici il y a quelques semaines http://www.lesmondesdepval.com/2012/12/raymond-domenech-lechec-dun-leader-qui.html 
Lionel Messi et le FC Barcelone s’enrichissent l’un l’autre. Le joueur a souvent déclaré qu’il finirait sa carrière au Barça. Le club lui a fait signer un contrat jusqu’en 2016, avec une clause libératoire de 250 millions d’euros…
En guise de conclusion, je vous propose quelques axes de réflexion, sportifs et business :
  • Que deviendra le FC Barcelone lorsque plusieurs joueurs emblématiques de ce Monde le quitteront (on parle du prochain départ à la retraite de Xavi) ?
  • Pep Guardiola, entraîneur de Barcelone, sera-t-il un leader créateur de Monde dans son futur club, le Bayern de Munich ?
  • Savez-vous recruter des Talents qui pourront intégrer votre Monde ?
  • Proposez-vous un Monde suffisamment solide pour former / attirer des Talents qui réussiront dans votre organisation ?
  • Reconnaissez-vous suffisamment vos Talents pour les fidéliser et ainsi renforcer votre Monde de performance ?
 
François Varin

mercredi 23 janvier 2013

Nespresso … quand la veille Internet rattrape les erreurs du service client






Dans un post du 4 janvier 2013 - Nespresso, le faux-monde - je vous racontais en quoi le service client de Nespresso n’avait pas été à la hauteur de l’image de la Marque sur le traitement d’un problème de livraison de machines.

Je vous livre le dernier rebondissement de l’affaire.
Une représentante de la marque - Audrey C. - m’a appelé aujourd'hui pour m’expliquer les dysfonctionnements et s’en excuser. Avec la bonne posture, sans justification ou contre-attaque contre Chronopost.
C’est leur cellule de veille Internet qui l’avait alertée du problème – notre post avait été relayé par le site LesEchos.fr.

Merci et bravo.

Bruno Jourdan

mardi 22 janvier 2013

Jeff Bezos, Amazon, ou le management par l'écrit

Jeff  Bezos aime lire.
Rien de plus normal pour le créateur et CEO d'Amazon, empire de 100 milliards de dollars construit sur la vente de livre en ligne ?


Ce qui est plus surprenant pour un manager emblématique du e-business et du livre numérique est son utilisation de l'écrit PAPIER dans son MANAGEMENT.
Les réunions de son comité de direction démarrent toutes par la lecture assidue et silencieuse d'un document écrit, imprimé. Avant chaque discussion importante les membres de l'équipe de direction, y compris Jeff Bezos, lisent un mémo de 6 pages pendant 15 à 30 minutes. Ils gribouillent leurs remarques dans la marge pendant que les auteurs du mémo attendent en silence la fin de la lecture.

Les managers d'Amazon appellent ces documents des "récits"  (narratives en anglais) et Jeff Bezos reconnaît lui même que cette pratique peut sembler bizarre en 2013 pour les non-initiés : " les nouveaux arrivants ne sont pas habitués à rester assis en silence et à se concentrer devant un paquet de CXO".

Pour Jeff Bezos cette routine de lecture collective est le garant de l'attention du groupe sans distraction. Mais écrire un tel mémo est une tâche encore plus ardue que le lire en commun.  "Les phrases complètes sont plus dures à écrire. Elles ont des verbes. Les paragraphes doivent avoir des idées-forces. Il est impossible d'écrire un mémo qui raconte une histoire structurée sur 6 pages si on a pas les idées claires".

 Ce que dit Bezos fait un sens énorme pour nous P-VAL :

  • d'une part parce que nous avons fait le choix marketing d'écrire trois livres chez Dunod et Pearson et donc de passer d'une expression orale et powerpoint à des livres de 200 pages, agréables à lire (c'est le retour, sympathique, de ceux qui les ont lus !)
  • ensuite parce que l'expression d'un monde actuel et d'un monde voulu requiert une grande précision des mots et des idées dans l'analyse et la formulation
  • enfin parce que nous avons développé des séminaires et des méthodes pour entraîner nos clients à penser et à formuler clairement leurs idées par écrit et à l'oral :
    • "P+ communiquer pour faire agir" est un block-buster depuis 1994
    • " Rédiger des propositions gagnantes" a sauvé plus d'une affaire mal engagée
    • "Let make figure speak" est le bréviaire des contrôleurs de Gestion de tous les grands groupes internationaux
Pour approfondir ce sujet je vous renvoie à quelques messages de ce blog qui ont pu échapper à votre vigilance :
Laurent Dugas


mercredi 16 janvier 2013

Fusion ratée : quand les salariés disent 7 ans après «délivrance, nous sommes de nouveau rachetés»



P-VAL travaille depuis 8 ans pour une grande entreprise de services qui historiquement avait une culture très forte
Cette entreprise française avait été rachetée il y a 7 ans par un concurrent anglo-saxon. La fusion s’était faite, sans joie mais sans crise et les salariés l’avaient jouée « bons soldats ». Au fil des ans les résultats financiers étaient restés comparables aux entreprises du secteur.
Vue par les dirigeants, cette fusion était donc une réussite.



Et puis en fin d’année dernière, les salariés de cette entreprise apprennent qu’ils viennent d’être rachetés par un concurrent nord-américain.
Florilège des réactions : « soulagement », « joie », « délivrance ». Ces sentiments positifs sont tellement forts qu’ils sont visibles par tous : clients, partenaires, fournisseurs.

Enseignement : les dirigeants passent très souvent à côté de ce qui va faire la réussite de leurs opérations d’acquisition.
Leur énergie est consacrée à aligner les organisations, les processus et à faire partager leur culture en mode « colonisateurs ».
Le résultat apparent est satisfaisant. Mais imaginez ce qu’aurait pu être la performance de cette entreprise si pendant 7 ans ses salariés avaient été heureux, contents et engagés en profondeur.

Bruno Jourdan

lundi 14 janvier 2013

HUAWEI ? Un modèle original qui peut nous apporter des pistes de performance utiles


Toutes les entreprises d'un même secteur ne se ressemblent pas !
  • Elles différent très sensiblement même si elles font exactement le même métier : plongées dans le même environnement, sur le même métier elles font des choix différents, elles développent des pratiques différentes et au final elles ont des performances différentes
  • Ces différences sont très sous estimées car nous nous intéressons beaucoup plus au "Quoi" d'une entreprise, ce qu'elle produit" qu'au "Comment," la manière dont elle le fait.  Or ce Comment nous en dit beaucoup plus sur la performance actuelle et future de l'entreprise

A l'heure où ALCATEL n'en finit pas de ne pas se redresser après une fusion gérée sur le mode "Quoi" au lieu d'avoir été gérée sur le mode "Comment",  il est intéressant de se demander "Comment" fonctionne le concurrent qui émerge à toute allure HUAWEI


D'abord quelques chiffres sur HUAWEI 
  • 150 000 collaborateurs dont 65 000 en R&D
  • Présence dans 140 pays avec 60 000 salariés non chinois
  • 70% du CA réalisé hors de Chine
  • 3em dépositaire mondial de brevet depuis 5 ans

Le Monde d'HUAWEI,  le "Comment ",  est une création innovante mélange de culture chinoise historique, de pratiques managériales US et d'une culture propre incarnée par un créateur charismatique
Analysons les pratiques HUAWEI à la lueur de la grille de compréhension Monde


Stratégie ? Mobiliser sur une Vision stratégique large puis s'engager tout de suite dans l'action, en sautant les étapes "intellectuelles" de planification
  • Pas de stratégie planifiée, chiffrée sur plusieurs années. A la place  :
  • Une Vision qui fixe une ambition de croissance forte et oblige à viser des très gros marchés (par exemple aller sur le marché du terminal mobile pour le grand public) 
  • Des budgets N, N+1 
  • Un activisme terrain dont l'observation permet d'en déduire les orientations ( qui ne sont pas annoncées) et non l'inverse "si on fait ceci alors on doit vouloir viser cela"

Grandeur ? La responsabilisation  de chaque collaborateur-actionnaire de la Coop Huawei : " Tu peux éventuellement échouer, tu n'a jamais le droit de renoncer"
  • l'esprit challenger : on peut à la limite échouer mais pas le droit de renoncer à un objectif
  • l'indépendance : c'est une coopérative dont tous les collaborateurs sont actionnaires ; donc le cashflow et la croissance "massive" sont absolument clés, sous peine de remettre le modèle en question
  • la création de valeur par la technologie : Huawei est tout sauf un équipementier low-cost . Il est  souvent plus cher car plus innovant que ses compétiteurs
  • l'expertise : tous experts !  en évitant le poids bureaucratique d'un Siège. Le sujet pointe d'ailleurs puisque l'entreprise s'oriente vers une décentralisation forte autour de pôles régionaux

Boucle de reconnaissance ? La promotion rapide matérialisée par les changements de zones géographiques ou de business units, sur la base de la tenue des objectifs
  • Sur quoi ? La tenue des objectifs/budgets
  • Par quoi ? La promotion et l'évolution des pays Afrique, puis Europe, puis US, puis Siège  :  l'accès aux vrais décideurs en direct. En effet ceux-ci ne sont pas ceux que l'organigramme annonce. Il faut donc prendre le temps d'être accepté et de comprendre les modes de fonctionnement réels pour pouvoir travailler. Aujourd'hui la promotion se fait aussi sur les nouveaux territoires clients  : Opérateurs Telco (équipements), Grand Public ( smart phones) - Entreprises (solutions)
  • Par qui ? Le Comité de Direction,... et  le Client qui donne le droit de grandir

Interactions collectives ? Un cocktail unique de fonctionnement en réseau professionnel personnel et d'une rigueur des processus opérationnels et financiers
  • Les dirigeants n'ont pas d'agenda "fermé" si le sujet est important le rdv peut s'obtenir en quelques jours là où il faudrait des mois dans les grands groupes. 
  • Il n'y a pas de communication interne organisée : tout fonctionne par les réseaux relationnels ( donc difficulté pour intégrer les non-chinois qui n'ont pas crées ces réseaux dès l'école). 
  • Aucune délégation financière(très centralisée et contrôlée) mais très forte délégation dans l'exécution opérationnelle avec un contrôle permanent informel et formel (Chinois + US)
  • Une grande flexibilité opérationnelle : 2/3 de la production est sous-traitée. Associée à une grande rigueur des processus : zéro papier, contrôle financier très serré, Système d'information neuf

Décision ? Une vision long terme qui s'appuie sur la confrontation factuelle avec la réalité du moment
  • Tout est en nuances de gris  ( pas forcement 50 ...). il n'y a pas de choc frontal : on ne dit pas Non. De façon plus fine on ne parle pas des sujets pour lesquels on n'a pas de solution ( ou on ne veut pas de solution)
  • La décision se fait sur la confiance construite dans la durée au travers des liens relationnels et avec une approche pragmatique du temps  :  il faut prendre la situation telle qu'elle est et non pas telle que l'on voudrait qu'elle soit, tôt où tard la situation deviendra favorable 


Ces éléments sont certes rapides, mais ils  permettent  de se faire une idée sur l'originalité d'une société qui est peut être la moins chinoise des grands groupes chinois ou la plus occidentale des sociétés chinoises

  • Elle incarne sans doute un nouveau modèle d'entreprise qui fait l'équilibre entre la culture chinoise et les influences occidentales, US en particulier. 
  • C'est un exemple de Monde de la Performance,  matrice d'une croissance exceptionnelle dans l'univers business actuel : sera-t-elle durable ? saura-t-elle survivre à son succès ?


Laurent Dugas

vendredi 4 janvier 2013

Nespresso, le-faux-monde



Nespresso a créé un modèle commercial unique dont je croyais jusqu’à aujourd'hui qu’il était parfait - un produit excellent, un marketing formidable, un service livraison rapide. Moi consommateur, j’avais tendance à croire Nespresso quand il me disait « vous êtes membre du club et pas un simple consommateur ».

Nespresso avait réussi à créer « un nouveau Monde », un Monde qui réunit les membres d'un club. Bravo.

Sauf que Nespresso a oublié que le membre d’un club a droit à du service !
Expérience client : Nespresso me propose en novembre une offre qui pour 300 capsules achetées me donne droit à une machine pour 10 euros seulement … j’achète 600 capsules, pensant faire deux cadeaux de noël grâce à ces deux machines.

10 décembre, pas de machine …
15 décembre, pas de machine … appel au service client …SVI tapez 4 … 5’ d’attente … attendez je me renseigne …5’ d’attente … vos machines vont arriver
24 décembre, pas de machine … je trouve d’autres cadeaux
4 janvier, pas de machine … appel au service client …SVI tapez 4 … 5’ d’attente … attendez je me renseigne …10’ d’attente … rupture de stock, vous n’aurez pas de machines, on peut vous rembourser … aucune excuse !

Si je comprends bien, le directeur commercial de Nespresso a dopé ses ventes de fin d’année - car j’imagine que beaucoup de « membres » ont triplé leur commande habituelle pour profiter d’une l’offre qui a final n’a rien coûté au directeur commercial.
On est à la limite de l’escroquerie. Membre ??

Quelle est l’erreur de Nespresso ?
Pas d’avoir été en rupture de stock de machine, cela peut arriver.
Le problème est de ne pas avoir traité la situation dans « un Monde où les clients sont des membres ». Par exemple en anticipant l’appel furieux de quelques centaines de clients et en leur envoyant très tôt un mail d’excuses.
Le Monde Nespresso n’est pas encore arrivé au service consommateur. Le projet de transformation de Nespresso est loin d’être achevé. Il n’est encore qu’une façade.

Enseignement Monde : quand vous créez un Monde, n’oubliez pas de le décliner dans toutes les entités de votre entreprise.

Bruno Jourdan