Les Mondes de P-Val: Etes-vous Grève ou Séminaire ?

vendredi 19 novembre 2010

Etes-vous Grève ou Séminaire ?

Le mouvement social sur la réforme des retraites est juste derrière nous. Avant de le ranger dans notre inconscient collectif, réfléchissons ensemble sur le phénomène d'attractivité de la grève.

Le Monde de la Grève existe-t-il ?

Sans doute, sinon comment expliquer que des personnes fassent le choix de se rassembler en grand nombre et de "payer" pour réaliser cette activité - ce travail- ?
En effet le gréviste arbitre un revenu journalier que lui verse son employeur contre un non revenu- la journée de grève - Il paye donc un prix sonnant et trébuchant
La grève serait alors un travail parfois plus prenant, fatiguant ou pénible que le travail salarié. Il faut défiler, crier dans un mégaphone, brûler des pneus et respirer des vapeurs toxiques, organiser des AG, ....

Quel serait alors ce Monde de la Grève ?

Il rassemble de nombreuses personnes qui se fédèrent sur des repères communs :  une finalité civico-domestique qui associe grands principes et avantages acquis, un mécanisme de reconnaissance médiatique : il faut être vu et pouvoir annoncer un nombre de grévistes qui parle à l'opinion, peu importe qu'il soit "industriellement" vrai.
Mais le moteur clé de ce Monde de la grève semble résider dans l'interaction collective. En effet dans des activités peu collectives, routinières, sans temps forts avec décharge d'adrénaline, l'activité Grève apporte justement tout cela : le rassemblement, l'excitation, la lutte contre un ennemi, les échanges de paroles, ....
  • Un Directeur de la SNCF me faisait remarquer que pour certains cheminots "traction" la grève était le meilleur moyen pour eux de se connaître entre eux, de faire échanger un conducteur d'Alsace avec un autre du Béarn.
  • Pour les étudiants qui franchissement allégrement 30 ans de l'école à la retraite sans passer par la case Travail, on peut comprendre que la manifestation est plus amusante qu'un cours soporifique dans une salle encombrée et que l'on peut plus prendre la parole lors d'une AG que sur un sujet de mathématique financière

Quelle alternative proposer à l'attractivité du Monde de la Grève ?

D'abord comprendre que Le Monde de la grève est d'abord un Monde de l'Opinion : la grève existe par son miroir médiatique : ma grève est "grande" si elle est vue !.Il faut donc proposer des éléments de visibilité à vos collaborateurs 
Ensuite l'attractivité de la Grève réside dans l'interaction collective qu'elle propose et qui comble un vide. Il faut donc proposer des temps forts collectifs à vos équipes

De manière humoristique, je disait au DRH d'un grand groupe para public :
- " Organisez des séminaires pour vos équipes, elles ne feront plus grève"
Avec autant d'humour et une pointe de cynisme, il m'a répondu
" Oui vous avez tout à fait raison, mais je devrais m'occuper de l'organisation et en plus les payer"


Laurent Dugas

1 commentaire:

  1. Article très intéressant, le concept des mondes l'est aussi.
    Sur le postulat de départ, on a vu que la CGT indemnisait les salariés - et non pas les seuls syndicalistes - des raffineries qui ont cessé le travail durant 18 jours contre la réforme des retraites.
    Dès lors, peut-on dire que le gréviste arbitre vraiment entre un revenu et un non revenu ?
    Paradoxalement, ce non besoin d'arbitrage pourrait conforter votre thèse sur l'interaction comme moteur clé du monde de la grève.
    Par ailleurs, les régimes spéciaux sont financés pour partie par la solidarité nationale, c’est-à-dire par l’impôt local ou national – et par les cotisations sociales pour les hôpitaux – ou par des prix administrés, c’est-à-dire par les consommateurs et regroupent 400 000 cotisants, soit 1,8 % de l’ensemble des salariés. Ils relèvent de six principaux régimes spéciaux alors que 460 000 pensionnés relevant de ces régimes représentent 3 % du nombre de retraités et 4,4 % de la masse des retraites distribuées dans notre pays, cela signifie que la pension moyenne dans ces régimes est près de 50 % plus élevée que la moyenne des autres régimes.
    Aussi, comment comprendre la mobilisation commune de la CGT cheminots - qui manifeste pour protéger des régimes spéciaux auxquels la réforme des retraites ne s'attaque pas - et des lycéens, qui vont payer et continuer de payer pour les réformes qui n'ont pas été faites. Quelle type d'interaction particulière joue selon vous ?
    La France n'est-elle pas finalement un pays de bastions, de défiance dans lequel les gens se retrouvent dans les révolutions, parce qu'elles maintiennent dans l'illusion, mais pas dans les réformes parce qu'elles traitent de la réalité ?

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